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30 juillet 2011

Meek's Cutoff / La Dernière Piste, de Kelly Reichardt

Un film sans bataille rangée pétaradante entre cow-boys et Indiens peut-il être un western ? Sans jurons vociférants et crachats virevoltants d'un côté, hululements plumés, tomahawks et calumet de la paix de l'autre ? Sans sa petite cité de bois perdue au milieu de nulle part, sans sa rue centrale poussiéreuse transformable à la demande en terrain de duel, sans son barbier, son maréchal-ferrant, son bureau du shériff et sa prison unicellulaire ? Sans son saloon enfumé aux portes à deux battants, qui valse entre piano mécanique, tricheurs professionnels au poker de la table du fond et coups de poings sonores et acrobatiques au bar ? Sans sa cavalerie aux uniformes repassés de la veille et au clairon rutilant à jamais figé sur le même morceau ? Sans ses six-coups, ses Smith & Wesson, ses Winchester 73 et plus ? Sans sa Monument Valley, sans ses troupeaux de bisons, sans ses bagarres entre éleveurs de moutons et de vaches et sans leurs barbelés qui déchirent la prairie ?

  

Piste

 

Que subsiste-t-il du genre fondateur du cinéma américain lorsqu'on extirpe un à un ses éléments constitutifs à jamais présents dans notre inconscient collectif de spectateurs ? La réalisatrice Kelly Reichardt pose cet axiome dès l'introduction de son récit, qui cahote entre documentaire de fiction et installation au ton sépia. Dans tous les sens du terme, le film atteint une sécheresse inouïe, qui confine parfois au maniérisme lorsque ce parti-pris devient trop pesant et mécanique. Chaque pan de l'histoire est épuré et ramené à une peau de chagrin, les actions s'étirent à l'envi, les dialogues sont dépouillés à l'extrême, les "cow-boys" se résument à l'image d'un seul rustre trappeur prétentieux et ignorant tandis que le peuple indien est figuré par un personnage égaré, au sens propre comme au sens figuré. Ne reste plus que l'errance de trois familles de migrants dans l'Oregon des années 1840, perdues dans des paysages minéraux infinis, lointains cousins du "Gerry" de Gus Van Sant. Ce palimpseste de "Ruée vers l'Ouest", dont on aurait effacé toutes les situations, les décors, les personnages et les conventions du western classique, séduit souvent par sa radicalité et par le portrait d'une femme au caractère fort mais sa conclusion ne peut que "laisser sur sa soif" le spectateur, abandonné au bord de la piste au pied d'une "eau alcaline" sans le moindre indice sur le destin de personnages qu'il a suivis 100' durant.

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  • Autobiographie en films. Une bonne critique de film nous en révèle souvent autant sur son auteur que sur le film lui-même : mes textes parlent donc de mes goûts cinématographiques, de ce qui me construit au cinéma, mais aussi de... moi. Bienvenue !
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