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Dernières Séances
25 août 2011

Onze histoires de solitude, de Richard Yates

Certaines de mes lectures, sinon toutes, sont empreintes de rituels qui, les années écoulées, les associent ensuite dans ma mémoire, à la manière plus classique d'une chanson, à une période de ma vie, à une émotion particulière : des pages où s'inscrivent en filigrane les souvenirs des moments vécus durant les jours ou les semaines où nous les parcourions, comme si nos sensations, et nos vies de manière plus générale, s'écrivaient à l'encre invisible entre les paragraphes des romans que nous tenons entre nos mains, entre les lignes de ces phrases qui nous ont parlé. Voilà sans doute une des raisons qui expliquent pourquoi je suspends souvent la lecture de nombreux livres dans leurs dernières pages pendant une longue période, pour prolonger peut-être la vie à l'intérieur d'un monde qui m'a accompagné pendant de longues heures silencieuses.
 
Avec "Onze histoires de solitude", j'ai poussé à l'extrême ce système de rites. Involontairement d'abord, puis consciemment ensuite, le recueil de nouvelles de Richard Yates est devenu mon livre de voyages, celui qui m'a accompagné durant l'été 2009 lorsque je suis parti à Assise (avec Into the Wild, définitivement lié en moi à la spiritualité de cette ville) et que j'ai ensuite emporté dès que j'ai effectué un petit séjour quelque part, sur la côte basque, à Bruxelles, ou plus simplement à Paris, en ne lisant à chaque trajet qu'une seule nouvelle. Pour quelles raisons exactement ? Peut-être parce que j'ai voyagé intérieurement depuis la lecture de la première nouvelle jusqu'au moment où j'ai refermé ce livre il y a quelques semaines à l'occasion d'un trajet jusqu'à Gravelines...
   

  Solitude 


D'Assise, Onze histoires de solitude n'a pas ramené que des sensations impalpables nichées au creux de ses pages, mais aussi d'autres marques plus étymologiquement sensuelles : une feuille du châtaignier contre le tronc duquel Saint-François d'Assise aurait médité, témoin végétal d'une certaine sérénité et d'une ouverture plus grande à la spiritualité ; une fragile fleur de coquelicot qui a séché et dont les couleurs se sont joliment atténuées dans cet herbier improvisé, souvenir de mes pensées d'alors ; un parfum persistant, fruit de multiples aspersions dans les pages de garde, porteur lui aussi d'autres tendres réminiscences et d'autres espérances vivaces durant cet été 2009.

Pourtant, ces Onze histoires de solitude ne rayonnent pas d’optimisme. L’auteur de Revolutionary Road, que je vénère, a réuni ici des nouvelles qui suintent la mélancolie, les regrets et les remords, les existences gâchées à regarder défiler consciemment les années sans les vivre réellement, des récits où les personnages s’aveuglent et espèrent en façade des lendemains qui chantent en sachant pertinemment que le vent a tourné depuis bien longtemps ; des histoires sèches et chirurgicales qui content l’échec en peu de mots, les déceptions amoureuses qui déchirent en silence, les faillites familiales où la routine tient lieu de projet de vie, les effondrements professionnels que l’on tente de masquer sous un costume sans pli, les êtres enfermés et enlisés dans leur solitude profonde. Une écriture magnifique et enthousiasmante malgré les destins brisés qui y sont évoqués.

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  • Autobiographie en films. Une bonne critique de film nous en révèle souvent autant sur son auteur que sur le film lui-même : mes textes parlent donc de mes goûts cinématographiques, de ce qui me construit au cinéma, mais aussi de... moi. Bienvenue !
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