Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dernières Séances
27 janvier 2013

Blanca Nieves, de Pablo Berger / La tête la première, d'Amélie Van Elmbt

Ma présence au CA du cinéma d'art-et-essai agenais des Montreurs d'Images m'amène à voir fréquemment des films en prévisionnement, manière agréable de découvrir certains films avant que certains médias n'aient commencé à en déflorer l'intrigue ou le style, manière particulièrement excitante aussi de parvenir le regard totalement vierge devant une oeuvre cinématographique. A l'occasion, selon le temps dont je dispose, je choisirai donc parfois de regrouper mes points de vue sur certains films dans ce genre de billet collectif.

L'an dernier, le prévisionnement de Marmande, toujours situé en janvier au cinéma Le Plaza, m'avait permis de découvrir, estomaqué, le film coup de poing Bull Head. Le programme de cette année n'a pas recélé un aussi beau joyau mais au moins une oeuvre très précieuse, que nous aborderons à la fin de ce texte.

 

evnvignetteimg_132

 
Monstres... pas si monstrueux est un programme de 5 courts métrages d'animation pour les petiots, avec un très bon court, Cul de Bouteille de Jean-Claude Rozec, sur un petit gamin totalement miro qui imagine un monde fantastique dès qu'il ôte les lunettes qui lui rendent le quotidien trop monotone et banal. Personnage très attachant qui se réfugie dans son imaginaire.
   

LA-TTE~1


    
La tête la première d'Amélie Van Elmbt est un marivaudage insignifiant entre deux écervelés bohèmes, qui lorgne visiblement du côté de Rohmer ou de Doillon, allant même jusqu'à offrir un rôle à ce dernier, qui parvient à sauver les scènes dans lesquelles il apparaît. Le reste est propremement irregardable: absence patentée de scénario comme de mise en scène, dialogues ampoulés et creux, comédiens approximatifs, personnages têtes-à-claques, situations usées jusqu'à la corde. Ce film est d'une telle vacuité que le regard se perd régulièrement dans les à-côtés du plan, à la recherche d'un soupçon d'intérêt qui se serait égaré dans un cadrage. Erreur monumentale : si la réalisatrice a bâclé son premier plan, elle n'a pas tenu le moindre compte de l'arrière plan, qui donne lieu à un vrai festival de regards caméra (voire de coucous !) des figurants involontaires de certaines séquences, et à un ballet de faux raccords. S'il fallait attribuer le prix du plus beau d'entre eux, j'hésiterais fortement entre les plans tournés dans une voiture qui prouvent que l'équipe est passée plusieurs fois exactement au même endroit sur une autoroute ou ceux, promis à un grand avenir, où l'on aperçoit le t-shirt mouillé d'un comédien... avant même qu'il soit allé se tremper dans une rivière. La tête la première ? Non merci, pas même un orteil !
   
   

affiche-cong-binh


 
Công Binh - La longue nuit indochinoise est un documentaire de Lam Lê dont le grand mérite est de mettre à jour le fait que, durant la 2nde Guerre Mondiale, 20.000 Vietnamiens furent recrutés de force pour remplacer dans les usines d'armement les soldats français partis au front. Comme Indigènes en son temps, ce doc permet de dévoiler des faits trop longtemps occultés. La mise en scène est relativement classique (succession d'entretiens avec les différents survivants très âgés de cette histoire méconnue, les Công Binh du titre) mais s'offre parfois de beaux instants de respiration grâce à des scènes poétiques recomposées à l'aide de marionnettes sur des plans d'eau.
   
   

blancanieves


 
Depuis The Artist, le retour aux sources du cinéma a le vent en poupe et semble tarauder nombre de cinéastes. Michel Gomez a livré avec Tabu une interprétation du genre qui a mystérieusement conquis la critique pendant qu'elle nous laissait sceptique, et voici que Pablo Berger se targue de redonner à son tour la parole à un film muet, en noir et blanc, sans second degré ni regard réflexif sur le genre, contrairement au film de Michel Hazanavicius. Sur le papier, cette histoire de nains toreros prenant sous leurs ailes une pauvre orpheline honnie de sa marâtre et élevée avec la passion paternelle de la tauromachie, pourrait faire fuir ou rendre dubitatif. Mais à l'écran, cette belle variation sur le thème d'une Blanche-Neige plongée dans l'Espagne des années 20, franchit un à un les obstacles qui semblaient se dresser entre l'écran et nous. 
  

Blanca-Nieves_reference

Transformer un conte littéraire en une oeuvre dépourvue du moindre mot (mais transcendée par une musique magnifique) relève même du tour de force et ces choix délibérés de mise en scène finissent par s'imposer comme une évidence au spectateur au bout de quelques séquences. Cette relecture du conte parvient ainsi à moderniser le récit imaginé par les Frères Grimm tout en replongeant paradoxalement dans un matériau filmique qui pourrait paraître aujourd'hui désuet (si ce n'est le montage particulièrement rapide de certaines séquences). Le scénario de Berger joue sur les traditions, le folklore et les codes espagnols sans sombrer dans le cliché : le flamenco ou la corrida, dépeinte de manière très humaniste et respectueuse des animaux - et c'est un farouche opposant aux horreurs des arènes qui vous le dit !
    
   

Blancanieves-poster


    
Habilement, le script insère aussi dans sa trame quelques fils narratifs d'autres contes ("Cendrillon" ou "La Belle au Bois Dormant") tout en faisant écho à certains monuments du muet, notamment le "Freaks" de Tod Browning qui irrigue la seconde partie du récit : certaines scènes retrouvent même le caractère morbide, cruel et sourdement angoissant de cette littérature dite enfantine qu'on considère souvent à tort, Disney oblige, comme pétrie d'images tendres, convenues et lisses (nous pensons en particulier ici à la "scène finale" du joli coq qui accompagne les escapades de Carmen enfant, ou à cette séquence étonnante de "photographies post-mortem" qui semble surgie d'un cauchemar). 
   

     blancanieves_mg_6043_9259_      blancanieves-pablo-berger

 

Cette Blanca Nieves est donc une belle réussite inattendue et souvent émouvante (à l'instar de sa superbe séquence finale), à l'opposé des adaptations clinquantes, tape-à-l'oeil et survitaminée des grands contes de notre enfance que proposent les studios hollywoodiens actuellement, depuis l'outrageusement belliqueux Blanche Neige et le Chasseur jusqu'au Hansel et Gretel - Witch Hunters qui va sortir dans quelques semaines et dont la seule affiche annonce clairement et ridiculement la couleur. 

  

                Suite-Blanche-Neige-et-le-chasseur-Grazia_fr_exact780x1040_p             hansel_gretel_witchhunters_afffr

Publicité
Publicité
Commentaires
D
Bonsoir RolandK, j'ai trouvé Blanca Nieves superbe à regarder et il y a une grande maîtrise de la mise en scène. Et je confirme que les animaux ne semblent pas avoir été maltraités, les humains le sont beaucoup plus. La larme de Blanche-Neige est émouvante à la fin. Bonne soirée.
Dernières Séances
  • Autobiographie en films. Une bonne critique de film nous en révèle souvent autant sur son auteur que sur le film lui-même : mes textes parlent donc de mes goûts cinématographiques, de ce qui me construit au cinéma, mais aussi de... moi. Bienvenue !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 32 091
Publicité