Lincoln, de Steven Spielberg
Lincoln appartient à la veine des films didactiques de Steven Spielberg, au même titre que Schindler's List ou Munich, ces films utiles où il veut à la fois éclairer les masses et se faire le chantre des valeurs qu'il prône, en fier défenseur d'une certaine idée de l'Amérique. Si le film sur la Guerre de Sécession reste encore à faire à nos yeux, malgré un prologue qui évoque un Saving Private Ryan version 1865, nul ne pourra critiquer la louable vertu pédagogique ni l'ambition artistique et politique de cette oeuvre consacrée à l'un des pères fondateurs des Etats-Unis. Nul ne pourra non plus contester le talent d'incarnation de Daniel Day Lewis, dont l'interprétation s'impose dès les premières scènes : il EST Abraham Lincoln, comme une évidence.
Il est intéressant de relever la concomitance de Lincoln avec le Django Unchained de Quentin Tarantino sur le thème de l'abolition de l'esclavage. Tarantino prend des libertés avec le sujet en lâchant la bride à la démesure de sa mise en scène avec jubilation, et Spielberg les prend probablement de son côté également en réécrivant l'Histoire pour construire la figure de Lincoln à sa façon, mais ce serait faire la fine bouche que de le lui reprocher. Expliquer longuement comment fonctionne le Parlement américain semblait un pari relativement risqué mais tenu, même si certaines subtilités des tractations houleuses nécessaires au vote du XIIIe amendement de la constitution américaine nous ont échappé à plusieurs reprises. En 1865 déjà, les politiciens s'affrontaient de manière souvent caricaturale et grandiloquente dans les assemblées, et personne n'en sera sans doute étonné. Découvrir par contre qu'à cette époque, les plus réactionnaires, parmi les Démocrates ou les Républicains, n'étaient pas ceux que l'on croit, peut amuser et faire réfléchir sur la relativité des moeurs politiques...