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29 janvier 2011

Hereafter / Au-Delà, de Clint Eastwood

Clint Eastwood n'est pas entièrement novice dans le domaine du fantastique. Il s'est déjà confronté, par la bande, à ce genre plusieurs fois, notamment dans nombre de ses westerns où les personnages fantomatiques qu'il incarnait semblaient des revenants, surgis d'un au-delà pour exécuter une vengeance au sein d'une communauté décadente, à l'image de Pale Rider ou surtout de L'homme des hautes plaines. Il a également abordé ce genre frontalement dans un très beau téléfilm romantique méconnu, Vanessa in the Garden, où un peintre redonnait éphémèrement vie à sa femme disparue en la peignant dans des décors familiers. Nous pouvions donc légitimement espérer qu'il explorerait avec brio et de manière plus approfondie le fantastique à l'occasion de Hereafter. Il faut hélas reconnaître que ce 31e opus eastwoodien en tant que réalisateur ne se hisse pas à la hauteur de nos espérances.

 

Au_Dela

Se coltiner au genre fantastique n'est pas un exercice très simple au cinéma, sitôt qu'on s'éloigne du monde prépubère des canines sanglantes twilightées ou de celui des baguettes magiques potterisées. La demi-mesure, l'entre-deux y est difficilement concevable : y aller sur la pointe des pieds peut vite conduire à un certain ridicule, ce qu'ont bien saisi les cinéastes asiatiques, qui n'y vont pas par quatre chemins et assument entièrement une immersion totale dans l'imaginaire. Le problème majeur de Hereafter est peut-être celui-là : son scénario hésite, tergiverse, un oeil vers l'au-delà et les pieds solidement arrimés dans la réalité la plus tangible, comme s'il voulait saisir la frontière, le passage entre les deux, cette transition fragile et innommable. Sa structure tressée, outre qu'elle n'est pas vraiment novatrice (Inarritu notamment est passé maître dans cette alternance de récits parallèles qui finissent par se rejoindre), n'aboutit pas au résultat habituel en la matière : les trois histoires qui nous sont contées ne s'enrichissent guère l'une l'autre, et leur coïncidence finale attendue paraît même assez artificielle.

Les trois récits qui nous sont proposés (un médium américain qui considère ses talents comme une malédiction et non un don du ciel, un jeune anglais bouleversé par la perte de son frère jumeau, une journaliste française confrontée à une "N.D.E." lors d'un tsunami) devraient faire écho entre eux, résonner, se répondre, s'amplifier, mais ce n'est pas le cas, au contraire : on se surprend au cours de la projection à les séparer nettement les uns des autres, comme si l'on assistait à une projection simultanée de trois films distincts en parallèle. Les parties françaises et anglaises ne m'ont pas vraiment passionné, l'intrigue américaine a davantage capté mon attention, le personnage de Matt Damon (impeccable) étant de loin le plus intéressant dans les doutes qui le pétrissent : plusieurs de ses séquences sont parfaites et bien écrites, à commencer par la relation que ce George Lonegan noue avec une femme à l'occasion d'un cours de cuisine.

 

Clint

   

La partie anglaise est intéressante par son aspect "film social à la Ken Loach" à quelques reprises. Difficile par contre de ne pas tiquer devant la partie française (si l'on excepte le prologue hawaïen, extrêmement impressionnant techniquement). Des critiques se sont surtout gaussés des références à Mitterrand, mais cela relève plutôt de l'anecdote franco-française sans intérêt. Le véritable souci n'est pas dans ce livre que souhaite d'abord écrire la journaliste, mais bien dans le second, cet Hereafter qui donne son titre au film. Nous ne parvenons pas à saisir le tsunami intérieur qui devrait saisir ce personnage passé de l'autre côté : nous la voyons enquêter de manière relativement neutre et objective, et ce ne sont pas quelques regards perdus sur un plateau de télévision qui parviennent à saisir ce trouble qui aurait dû nous gagner par empathie. Sans compter que Cécile de France, aussi sympathique soit-elle, ne convient pas du tout dans le rôle de cette journaliste guindée et mesurée (inconsciemment, étant donnée la personnalité de la comédienne, on guette le moment où elle grillera un fusible en direct live, mais ce moment n'arrivera jamais).

   

Hereafter

 

Il n'est pas mystérieux que Clint, à l'aube de ses 80 ans, ait été séduit par le thème central de ce scénario. Entre les images, nous percevons la grande sérénité qui est la sienne face à ce dernier voyage (perceptible dans cette réplique de Lonegan, par exemple :  "If you're worried about being on your own, don't be : you're not.") mais nous aurions aimé que cet élan spirituel et apaisé soit plus contagieux dans son film, qu'il se tienne moins à distance. Heureusement se profile déjà à l'horizon son nouveau long métrage, un biopic consacré à Hoover avec l'un des acteurs les plus passionnants du moment, Leonardo DiCaprio, malheureusement snobé pour les Oscars malgré ses deux belles interprétations de 2010 dans Inception et surtout Shutter Island.

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