The Murderer, de Hong-jin Na
Au pays de l'Eldorado cinématographique, il existe une enclave géopolitique totale, une zone de non-droit complète : la préfecture autonome coréenne de Yanbian en Chine, composée pour une bonne part de coréens nommés les "Joseonjok". Le premier mérite de "The Murderer" (titre "français" stupide au demeurant, surfant sur cette mode actuelle des distributeurs hexagonaux d'attribuer des titres anglophones à n'importe quel film étranger...) est de nous révéler l'existence de cette province, de la misère et des trafics en tout genre qui y règnent, jeux d'argent, émigration illégale, etc., même si l'on ignore évidemment quelle part de crédibilité il faut lui accorder réellement.
Les deux premières parties de cette "Mer Jaune" (titre anglais...) recèlent quelques perles de mise en scène de la part du réalisateur de l'enthousiasmant "Chaser" qui avait révélé le duo de comédiens que l'on retrouve ici. Le montage en particulier est vif, les ellipses ne laissent aucun temps mort et donnent un rythme nerveux et haletant au récit. Alors qu'on s'attend également à ce que le contrat que doit exécuter le héros occupe la majeure partie de l'intrigue, il est finalement expédié en une séquence de manière totalement inattendue. Le cinéaste Hong-jin Na oublie malheureusement ensuite un minimum de vraisemblance et se laisse griser par sa propre virtuosité. Scénaristiquement d'abord, nous perdons peu à peu le fil du récit, ignorant finalement qui sont les vrais commanditaires du contrat initial, entre les mafieux propres sur eux, les parrains crasseux et indestructibles d'une pègre locale, leurs acolytes respectifs, leurs intermédiaires et leurs hommes de main qui font de la "sous-traitance" : peu à peu, tout le monde finit par se courir les uns après les autres et à s'étriper dans un joyeux capharnaüm visuel. Techniquement ensuite, même si deux séquences de "poursuite pédestre" rappellent la trépidance du "Chaser", une séquence de course poursuite en voiture est quant à elle plus convenue, en dépit du budget visiblement accordé à l'explosion de véhicules en tout genre : le montage frénétique d'une myriade de plans tient alors lieu de mise en scène, le réalisateur brassant l'air de sa caméra de manière épileptique comme les tueurs de tous poils jouent du couteau de boucher et de la hâche à tour de bras.
"The Murderer" a été coproduit par un studio hollywoodien, comme l'indique de manière subtile le nom de la société "Popcorn Films" dans le générique. L'industrie du cinéma U.S. a constamment débauché des réalisateurs étrangers en espérant importer leur talent sur le territoire américain. Espérons que Hong-jin Na n'y perdra pas son âme et ne retiendra du pop-corn que son aspect tressautant en délaissant son caractère écoeurant et sirupeux.