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1 décembre 2011

Le Havre, d'Aki Kaurismäki

14e Festival Ciné 32 - Jeudi 13 octobre, 11h

Les films d'Aki Kaurismäki, malgré la faconde et les débordements légendaires du personnage, sont souvent empreints d'une mélancolie larvée, quand ils ne filent pas un cafard monstre et incurable, comme dans L'Homme sans Passé. Le titre de son dernier long métrage, s'il n'était à prendre qu'au seul sens géographique, ne paierait donc pas de mine a priori.

  

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Du "Havre", il faut pourtant moins retenir ici le port et les activités maritimes, même s'ils joueront un rôle  déterminant dans l'intrigue, que le beau sens étymologique effacé depuis longtemps derrière le chômage ou les difficultés sociales : Kaurismäki transforme le Havre en laboratoire, en théâtre modeste, à taille humaine, des espoirs fragiles mais essentiels qu'il place en l'homme, malgré la violence du monde moderne, malgré les inégalités croissantes, malgré l'individualisme galopant. Là-bas, parcourant les petites ruelles, le long de pavillons ouvriers, des êtres humains font palpiter doucement cette petite flamme qu'il leur accorde, sans bruit, en toute discrétion, sans le crier sur le toit des immeubles ou en faire une démarche militante. Simplement parce que cela leur semble juste et normal, et que, finalement, ils estiment ne pas avoir d'autre choix.

 

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Dans la simplicité, le désintéressement et la pureté d'âme qu'il incarne, le personnage interprété par André Wilms est sans doute l'un des plus émouvants que l'on ait croisé sur un écran depuis bien longtemps, cousin lointain et contemporain du Charlot qui changeait le monde autour de lui, à son niveau, d'un geste, d'un mot, en tendant la main parfois malgré lui, sans y penser réellement (sa profession de cireur de chaussures renforce d'ailleurs ces affinités avec le personnage créé par Charlie Chaplin). Les miséreux n'ont certes plus le même statut ni la même origine depuis le temps du muet, mais ces sans-papiers, ces réfugiés politiques, ces immigrés clandestins  ont finalement moins changé en un siècle que leurs dénominations et autres euphémismes qui masquent tant bien que mal leur triste condition sociale.

 

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Peut-être parce que l'altruisme, la générosité et la noblesse d'âme sont devenus rares et même quelquefois  hélas obsolètes dans notre civilisation contemporaine, Kaurismäki a choisi de gommer les références à une période précise et même, plutôt que d'opter pour des décors neutres et intemporels, de mêler à l'écran des éléments actuels à d'autres plus anciens, pour plonger ses personnages et ses spectateurs dans un temps autre, dans un no man's time qui devient vite réconfortant pour les uns comme pour les autres. Des téléphones mobiles tactiles dernier cri et des combinés en bakélite se côtoient ainsi à l'écran de manière rapidement très naturelle, d'antiques automobiles circulent, certaines aux pare-brise ornés de napperons, brouillant les pistes chronologiques de façon réjouissante. 

 

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Dans les ruelles de ce Havre-là, nous croisons également des figures qui renvoient à d'autres univers cinématographiques et créent autant d'échos : le personnage de Kati Outinen d'abord, bien sûr, fidèle à Kaurismäki, ou ce policier bonhomme auquel Jean-Pierre Darroussin prête son allure un peu dégingandée et malaisée, mais aussi Jean-Pierre Léaud et Pierre Etaix, qui n'avaient pas hanté les pellicules depuis une éternité et qu'il est plaisant de retrouver, comme de vieilles connaissances, au détour d'une séquence.

 

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En nouant habilement une intrigue médicale intimiste et un propos plus engagé sur l'indifférence ambiante de notre société, Aki Kaurismäki a construit une fable optimiste, qui professe sa foi en l'homme, en la fraternité, en la solidarité, et rend le coeur de ses spectateurs léger. Nous ne regarderons plus jamais Le Havre du même oeil.

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  • Autobiographie en films. Une bonne critique de film nous en révèle souvent autant sur son auteur que sur le film lui-même : mes textes parlent donc de mes goûts cinématographiques, de ce qui me construit au cinéma, mais aussi de... moi. Bienvenue !
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