La Piel que Habito, de Pedro Almodovar
Pedro Almodovar partage dans mon esprit avec Woody Allen cette piètre qualité : la plupart de ses films sont totalement interchangeables dans ma mémoire, ses personnages se bousculent et passent d'une histoire à l'autre sans y voir le moindre inconvénient, ses titres s'interpénètrent et se décollent de leur oeuvre première pour s'appliquer à une autre, ses intrigues se mélangent et s'aglutinent pour aboutir à un récit fleuve où dominent des héros excentriques, des décors atypiques, des couleurs extravagantes... et la musique d'Alberto Iglesias. C'est donc toujours avec une incrédulité silencieuse que j'assiste au concert de louanges qui accompagne la sortie de la plupart de ses films en France, n'osant à peine avouer qu'ils me laissent pour la plupart indifférents. Tout juste sortirais-je de cet anonymat La mauvaise éducation et surtout En chair et en os, plus marquants pour moi.
Pour La Piel que habito, le syndrome Pedro m'a de nouveau atteint. Au bout de quelques séquences, ce nouvel opus m'a profondément ennuyé, pour ne pas dire chloroformé, toute sensibilité anesthésiée. J'étais pourtant décidé à le découvrir avec toute la bonne volonté du monde, l'argument initial ayant capté mon attention.
Les yeux sans visage de Franju, qui ne quitte pas un instant notre esprit durant la projection, semble d'abord la référence suprême du réalisateur espagnol : la peau artificielle dans laquelle habite la créature centrale créée par le Dr. Banderas la transforme en version moderne et sophistiquée d'un monstre de Frankenstein de luxe. Etrangement, le film lui-même ressemble progressivement à une chimère scénaristique construite de bric et de broc, picorant çà et là des éléments à différents genres cinématographiques : la science-fiction, le film d'amour, le fantastique, le film policier, le mélodrame, sans en approfondir un seul. La Piel... devient alors un film tout aussi artificiel que son personnage hybride principal : de marbre, nous voyons défiler les costumes, les figures imposées du cinéma d'Almodovar, nous demandant en permanence à quel moment surgira son transsexuel idéal de service, jusqu'à ce que son apparition obligée ne vienne nous achever. Décidément, Almodovar ne nous plongera que rarement dans une émotion à fleur de peau...