Cleveland contre Wall Street, de Jean-Stéphane Bron
Le dispositif mis en place par Jean-Stéphane Bron dans ce film est à la fois enthousiasmant et, à ma connaissance, inédit. Strictement rien dans la mise en scène ne laisse soupçonner l'aspect fictif du procès intenté par les citoyens de Cleveland, aux lotissements dépecés par la crise des subprimes vampiriques, contre l'ogre de Wall Street. Et cela tient à une raison forte et remarquable : les jurés, les témoins, les avocats, tout le monde a vite oublié la caméra et encore plus le "jeu de rôles" grandeur nature qui est ici proposé et recréé. A vrai dire, nul ne "joue un rôle" et chacune des personnes impliquées dans ce "simili-procès" vit profondément le drame qui a touché sa communauté et, à travers, elle, une bonne partie du monde occidental.
La démonstration est implacable et sans appel. Le dialogue et la compréhension entre les victimes d'un capitalisme forcené d'un côté et ses grands magnats de l'autre semblent consommés et irréductibles. Hélas, même si nous aimerions que le mythe de David contre Goliath trouve sa version économique, le cinéma possède ses propres limites, et cet exercice, aussi marquant soit-il pour un public européen, restera sans doute lettre morte, tout comme selon moi l'espoir qu'a soulevé dans le monde entier l'accession au pouvoir de Barack Obama, espoir qui ne pourra être que déçu comme l'illustre la séquence finale de ce documentaire militant où l'actuel président américain énonce des promesses non tenues depuis...