Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dernières Séances
20 août 2011

Super 8, de J.J. Abrams

Super_8_Affiche_USA_The_Goonies

 

Vouant un culte profond et sans faille au vieil adage "C'est dans les vieilles marmites etc. etc.", les pontes du cinéma hollywoodien actuel saturent les écrans, jusqu'à l'écoeurement, de remakes de films ayant remporté un gros succès commercial au cours des précédentes décennies : des suites plus ou moins avouées ou plus ou moins coupables, des "prequels" ou autres bien nommées "séquelles" qui épuisent la patience et le porte-monnaie des spectateurs dont la culture cinématographique ne s'arrête pas à la dernière décade, jusqu'aux tout récents "reboots" dont le nom seul me laisse un arrière-goût nauséeux sur la pupille. Pas une semaine sans qu'un grand studio ne s'imagine ainsi saisi par cette idée de génie : faire re-pondre à la poule aux oeufs d'or, non pas un nouvel oeuf, mais sa copie conforme garantie tiroir-caisse. L'idée originale a déserté les scripts, réfugions-nous tous sur les valeurs sûres du 7e art comme le boursicoteur délaisse les actions démodées au profit du bon lingot des familles : dernier exemple en date, d'une tristesse absolue en la matière, la rumeur selon laquelle Ridley Scott aurait accepté de remettre le couvert pour "dépoussiérer" un des chefs d'oeuvre du cinéma de science-fiction, "Blade Runner"... Las...

  

affiche

Dans ce contexte déprimant de cinéphiles crève-la-faim, nous pourrions a priori nous réjouir de la sortie de "Super 8", dont le scénariste a au moins eu le mérite de ne pas se servir outre mesure de son papier-calque pour barboter en douce l'intrigue d'un précédent hit du cinéma américain. Le hic, par contre, à l'image de la séquence finale où notre gentil Alien amateur de Rubik's Cube agglomère  et recycle une montagne d'objets hétéroclites en ferraille pour se reconstruire à peu de frais son petit vaisseau dernier cri, c'est que J.J. Abrams bat le rappel de toute une platée de films, de personnages ou de situations qui ont déjà frappé la rétine de tout spectateur digne de ce nom une multitude de fois. "Super 8" devient alors "Super 80's", la plupart de ces références renvoyant à des films apparus sur nos écrans dans les années 80, et le film se transforme parfois en un quizz ludique sur grand écran. Jusqu'à preuve du contraire, le cinéma n'est pourtant pas encore fait pour célébrer en salles une nostalgie d'un genre caractéristique de telle ou telle époque, façon éternel revival TF1 du Top 50, en se demandant dans quel film on a vu un tel déraillement ("Le Fugitif" ?), dans quel autre une ville entière est mise sous cloche par l'armée ("Le village des damnés" ? Je suis preneur de(s) la réponse(s), merci), à quel autre spécimen dûment estampillé "espèce non terrienne" fait penser l'arachnéen héros de cette production (là, ça ira, j'ai appuyé sur le buzzer une bonne dizaine de fois durant la projection.)

  

super_8_affiche_01

A propos de cet Alien, outre le jeu habituel auquel s'adonne avec délectation n'importe quel réalisateur de "film de monstre" en ne dévoilant son apparence que progressivement (une patte par ci, un bout de tête par là, une traversée grande vitesse sur toute la diagonale de l'écran, de préférence dans la pénombre, etc.), il faudra qu'on m'explique un jour pourquoi diantre quasiment tout E-T qui imprime la pellicule se trouve irrémédiablement affublé d'un faciès métallique reconnaissable entre tous et plus ou moins triangulaire qui, si l'on pratiquait une analyse ADN adaptée au bestiau, prouverait en un tour d'éprouvette qu'ils sont tous cousins éloignés, d'une famille au demeurant peu chaleureuse au premier abord... Un peu d'imagination, la consanguinité spatiale n'est pas une nécessité absolue ! Si les designers sortaient un peu des sentiers battus et de la copie carbone, ils pourraient par exemple s'apercevoir que la seule contemplation de la faune terrestre, de ces insectes à l'aspect improbable ou de ces animaux au look si peu calibré devrait libérer leur créativité. Mais je m'éloigne du sujet...

 

super8_affiche1


Même si l'on ne boude cependant pas vraiment son plaisir devant "Super 8", ce n'est pourtant pas dû à son intrigue relativement simplette et classique (louanges des valeurs familiales, poncif éculé de l'inventivité et de la bonté des prépubères face à l'incompétence ou à l'inconscience des adultes, éloge de la différence et du pardon, etc.) ni au déploiement pyrotechnique qui jalonne le film, minimum syndical prisé du consommateur de pop-corn : à titre d'exemple, le déraillement initial est étiré et amplifié dans de telles proportions que, si l'on s'en prend certes plein les mirettes, la "cellule vraisemblance" de notre cerveau se met rapidement à sonner l'alerte rouge puis à hurler l'hallali en contemplant tous ces wagons en apesanteur qui vrombissent indéfiniment au-dessus des héros et s'écrasent sur leurs semelles sans même déclencher une crise carabinée d'acné. Heureusement, cette diarrhée visuelle d'effets spéciaux et spécieux est contrebalancée par une réelle fraîcheur dans la manière dont "les Six Compagnons" (petite pensée émue à l'univers Bibliothèque Verte de Paul-Jacques Bonzon) sont dépeints. L'humour potache et bon enfant et le côté bricolo-rigolo de cette petite bande perfusée depuis l'enfance par les films de George Romero délaye agréablement toutes les lourdeurs présentes par ailleurs.

Super_8_poster_712x1000

 

Plus que le personnage central, nos faveurs penchent davantage pour le jeune réalisateur qui ne jure que par la "plus-value à la production" qu'il peut insuffler au tournage de son petit film en Super 8 (à ce titre, ne pas manquer la diffusion hilarante de "The Case" durant le générique de fin !) ou pour Elle Fanning, plus touchante et juste que dans l'insipide "Somewhere" qui l'a révélée. Quant au personnage surnommé "dents de poney", abonné aux rôles de zombis aux yeux blancs et irrémédiablement addict aux explosifs enfantins, il a le mérite de démontrer par l'absurde qu'un sac à dos de gosse rempli de cartouchières de pétards (ceux autorisés par la loi) ou de fusées-chandelles de farces et attrapes est nettement plus détonant que quinze wagons hollywoodiens de feux d'artifice, lancés sur un train d'enfer, qui pétaradent sur tous les coins de l'écran durant une éternité.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
R
Je mentionne effectivement cet "hommage" aux 80's dans mon texte, mais comme je l'indique (mais ce n'est que mon opinion et je la partage ;-) ) le cinéma n'est pas pour moi l'espace d'un "revival" ou de Radio Nostalgie :)
R
Bon alors, je ne partage pas ton avis, vu qu'il s'agit clairement d'un hommage à l'oeuvre 80's de Spielberg et que j'ai été plus que ravie de replonger avec ses mômes dans mes madeleines d'enfance...Par contre, entièrement d'accord pour tout le début de ton article et la masse de "déja-vu" constant que nous inflige depuis quelques années les grands Studios..Quant au déraillement du train, la disproportion ne peut échapper à personne ;)
Dernières Séances
  • Autobiographie en films. Une bonne critique de film nous en révèle souvent autant sur son auteur que sur le film lui-même : mes textes parlent donc de mes goûts cinématographiques, de ce qui me construit au cinéma, mais aussi de... moi. Bienvenue !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 32 099
Publicité