Donoma, de Djinn Carrénard
Donoma vient de se voir décerner le prix Louis-Delluc 2011 du Meilleur Premier Film, récompense qui met le pied à l'étrier à un jeune réalisateur prometteur : cette distinction conviendra sans doute davantage à cette oeuvre autoproclamée "film-guerilla" que l'argument légèrement fallacieux sur lequel elle a bâti une partie de sa réputation, à savoir le coût prétendument ridicule de sa production - voir à ce sujet le billet du réalisateur Vincent Ostria.
Ce long métrage de Djinn Carrénard recèle toutes les qualités qu'un bon premier film peut posséder. C'est une oeuvre en liberté, à l'énergie brute impressionnante, dotée d'une folle envie contagieuse de cinéma à chaque plan. Son principal atout réside sans doute dans la direction d'acteurs, qui jouent tous avec une telle aisance et une telle conviction que le spectateur se surprend régulièrement à se demander s'il a affaire à un documentaire ou à une fiction, en dépit de séquences qui frisent l'invraisemblance ou le fantasme pur.
Dans cette catégorie, le chapitre consacré à la vraie-fausse histoire d'amour entre une enseignante d'espagnol et son cancre de service manque régulièrement de sombrer dans l'outrance ou le grotesque. Mais, même si Dacio incarne une pseudo racaille au grand coeur à la limite de la caricature tandis que sa prof dérape à plusieurs reprises dans de risibles ou sidérantes crises d'hystérie pure, cet épisode est pourtant très émouvant car les comédiens comme le réalisateur ne craignent surtout pas le ridicule et assument chaque idée et chaque dialogue avec une sincérité désarmante : il faut par exemple sans doute mêler inconscience et témérité pour oser filmer sans filet des dialogues sur un palier dans le noir intégral, en faisant entièrement confiance dans la seule force des mots.
Donoma ("le jour est là", en langue sioux, d'après son réalisateur) est en effet un cri non pas de guerre mais d'amour envers le cinéma et son pouvoir. Certains chapitres qui composent ce long récit sont inaboutis ou inégaux, mais un stimulant montage faussement désordonné de ces séquences, les échos qu'elles établissent en sourdine entre elles comme dans un film choral, la puissance vive qui se dégage de longues séquences dialoguées relativement ardues mais simultanément limpides, sonnent comme autant de promesses dans la future carrière de ce jeune réalisateur d'origine haïtienne. Donoma, le cinéma est là.