Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Dernières Séances
14 décembre 2011

Shame, de Steve McQueen

Présenté au Festival de Cannes en 2008, Hunger y avait décroché la Caméra d'Or décernée à la meilleure première oeuvre. Son réalisateur Steve McQueen, qui a fourbi ses armes cinématographiques dans le milieu de l'art contemporain durant plusieurs années, y déployait une magistrale maîtrise formelle à travers une mise en scène au cordeau, un scénario limpide et percutant, à la limite constante de l'oppression pour le spectateur qui pouvait parfois oublier de respirer durant la projection. Constamment animé d'une tension palpable à l'écran, ce coup de poing visuel, choc esthétique qui nous laissait tétanisés dans notre fauteuil, révélait également un acteur impressionnant, Michael Fassbender. Autant dire que nous attendions ce second opus réunissant ce duo cinéaste / comédien avec énormément d'espoir.

  

Shame-Wallpaper-01

  

Même si je ne parcours jamais les critiques cinématographiques avant d'avoir visionné les films ou de m'être bâti ma propre opinion, Shame semble bénéficier d'un accueil critique quasiment unanime dans les éloges. Autant avouer cependant d'emblée que, de mon côté,  la déception s'est montrée à la hauteur de mes attentes. L'argument de départ ne manquait pourtant pas d'intérêt. Si Hunger  nous dépeignait l'incarcération d'un des plus célèbres activistes de l'IRA, Bobby Sands, Shame s'articule autour de l'enfermement psychologique d'un cadre dynamique new-yorkais bien implanté dans le XXIe siècle, totalement prisonnier d'une obsession libidineuse. Pourquoi pas. Mais Steve McQueen finit par s'enfermer lui-même dans l'illustration de cette véritable addiction sexuelle, qui fait l'objet de la majorité des séquences de son 2e long métrage.

Brandon se masturbe au réveil entre ses beaux draps bleus, au bureau en farcissant le disque dur de son ordi de vidéos pornos, entre deux rendez-vous professionnels, le soir devant des filles webcamées qui se dénudent à la demande. A l'occasion, il fornique tristement une ou deux filles de joie, baise mécaniquement une cadre sup' blondinette convoitée par son patron dans une rue glauque et déserte, se défonce en désespoir de cause dans un bouge tendance gay sado-maso, copule de manière aussi enthousiaste que s'il pointait à l'usine. Post Coitum Animal Triste, dit l'aphorisme. Brandon respecte scrupuleusement la sentence latine et l'étend même à l'éphémère avant et au frénétique pendant.

  

shame-movie-poster-new

  

Michael Fassbender incarne ce personnage à la perfection, intègre la moindre de ses contradictions, fait siennes toutes ses idées fixes, et nous ne contredirons pas un instant ses plus âpres défenseurs qui louent ses qualités de comédien. Mais son personnage n'évolue guère dans le récit, s'enlisant et s'égarant simplement chaque jour davantage dans ses consommations charnelles, tarifées ou non. Le cinéaste semble alors finir par autant tourner en rond que son héros dans la cage moderne de son appartement design, cadré littéralement à hauteur d'homme. Son synopsis se transforme en installation cinématographique un peu vaine, en démonstration trop visible et ses plans perdent paradoxalement en chair pour devenir trop théoriques, sans compter quelques plans séquences qui gagneraient à être sévèrement raccourcis : on ne peut pas vraiment dire que les scènes de sexe m'aient choqué, puisqu'elles auraient plutôt eu tendance à me donner le blues, mais je n'aurais pas forcément protesté si le réalisateur n'avait pas absolument tenu à filmer in extenso la miction de son protagoniste jusqu'à la dernière goutte, par exemple...

  

shame

 


L'arrivée impromptue de la jeune soeur du héros ne fait pas vraiment décoller le récit, même si l'on retrouve avec plaisir la Carey Mulligan de Drive, qui interprétera une version ultra-ralentie de New York New York ne manquant pas de charme. Restent dans ma mémoire trois sublimes séquences de métro, rythmées par une musique lancinante et obsédante, où le héros demeure silencieux, où ne se croisent que des regards et où vogue l'imaginaire du spectateur, construisant des promesses de récits fantasmés entre deux rames, temps suspendu, émotion des corps étrangers qui ne font que se frôler et s'éloigner.

 
Publicité
Publicité
Commentaires
Dernières Séances
  • Autobiographie en films. Une bonne critique de film nous en révèle souvent autant sur son auteur que sur le film lui-même : mes textes parlent donc de mes goûts cinématographiques, de ce qui me construit au cinéma, mais aussi de... moi. Bienvenue !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 32 099
Publicité