Ce n'est qu'un début, de Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier

Festival Ciné 32 - Jeudi 14 octobre, 19h30 - Ouverture

Le Festival Ciné 32 débute par une erreur de casting, un impair regrettable et même incompréhensible de mon point de vue. Daniel Toscan du Plantier, éminent producteur français qui nous a quittés prématurément il y a quelques années, avait co-créé le festival de cinéma d'Auch il y a 13 ans. Une documentariste lui a consacré un film sélectionné pour cette édition, mais programmé (pour ne pas dire "perdu") au milieu de la grille, sans repère, sans le coup de projecteur d'une soirée d'ouverture qu'il aurait pourtant amplement mérité et qui aurait été un hommage naturel et attendu, une remémoration de l'oeuvre de cette homme épris de culture et d'ouverture qu'était Toscan. Cela ne se fera pas, dommage...

En guise d'ouverture, un autre documentaire, "Ce n'est qu'un début" (programmé à ce moment du festival à cause de son titre ?... on peut se le demander...) Son objectif, rendre compte de la mise en place d'un atelier de philosophie dans une classe de maternelle pour des enfants de 3 à 4 ans. Philosophie ? Disons plutôt que l'enseignante ne s'interdit pas d'aborder des sujets plus profonds que le simple et terre à terre B.A. BA. que recommandent habituellement nos sacro-saints "programmes", qu'elle ose sortir un peu des sentiers battus et parler de sujets plus quotidiens, plus intimes aussi, comme la mort, l'amour, la liberté, etc. (j'ignorais jusque là que je suis donc aussi un prof de philo avec mes élèves !) Leur parler, donc, et les écouter en parler également.

Question mise en scène, ce docu est une pâle resucée de Etre et Avoir, documentaire réalisé par Nicolas Phillibert, réactualisé pour des élèves de 4 ans. Enfants cadrés au plus près, montage exclusivement chronologique, huis-clos quasi permanent dans la salle de classe, quelques rares incursions dans la cour et chez les parents en guise de transitions-respirations. Rien de nouveau ni de transcendant, une pure et simple captation assez plate d'un cours, même si cela devrait sans doute intéresser certains spectateurs de pouvoir "traverser les murs" pour voir ce qui se déroule dans une salle de classe.

"La vérité sort de la bouche des enfants", dit le dicton. Osons le dire, dicton relativement stupide et digne de notre société de l'enfant-roi, voire de l'enfant-star. Dans la "vraie vie" ou dans un film, il est habituel qu'un propos émis par un gosse engendre un attendrissement acquis d'avance, un rire complice, ou, pire, une sorte de nostalgie émue devant une certaine "sagesse de l'enfance". Une bonne partie du film ne repose que sur cette inanité, enchaînant les évidences ou les propos totalement décalés de certains enfants, voire certaines inepties qui déclenchent aussitôt les éclats de rire dans la salle. Exemple au hasard, une gosse déclare "Ma mère est intelligente parce qu'elle ne met pas le Nutella dans le frigo", hilarité générale qui redouble d'intensité lorsque ladite gosse remet une seconde couche sur le Nutella, si l'on peut dire.

J'ignore si une succession de phrases totalement hors normes de la part de gamins me fait rire. Dans le cadre de ma salle de classe, c'est fort possible. Ce que je n'ignore pas, par contre, c'est qu'une telle succession ne constitue pas le moins du monde un film, encore moins le terreau sur lequel nous pourrions bâtir la moindre réflexion philosophique digne de ce nom. Intérêt de l'expérience filmique ? Néant, on sonne la fin de la récré. Ce n'est que le début du Festival, certes, mais je préfère conclure ce billet en ayant une petite pensée pour Toscan...